Au Royaume-Uni, l’événement vape de l’année 2017 se déroulait le 20 novembre dernier à Londres, au palais de Westminster. Mark Pawter, député conservateur, y organisait une réception pour présenter le rapport The Vaping Nation. La rédaction de PGVG était conviée et, apparemment, c’est l’industrie du tabac qui régalait.

Près de 3 ans après son lancement par Mark Pawter, un député conservateur, le groupe APPG for E-Cigarettes (All-Party Parliamentary Group) célébrait donc la publication d’un premier rapport intitulé The Vaping Nation, fruit d’un travail où toutes les parties prenantes se sont exprimées sur la politique, la santé publique, l’industrie et les consommateurs de la cigarette électronique.

Le registre du parlement britannique compte plus de 500 APPG issus des groupes de parlementaires des deux chambres et de différents partis politiques. Sans statut officiel, ils ont vocation à favoriser le débat sur toutes sortes de sujets entre Lords et députés de tout bord politique et n’hésitent pas à faire participer des personnes et organisations extérieures au Parlement. Outre la cigarette électronique, les sujets sont nombreux et très diversifiés, des groupes existent pour le bingo, les méfaits de l’alcool, l’intelligence artificielle, la bière, le don du sang, l’autisme, etc.

Au cours des réunions de groupe, la désinformation récurrente et l’alarmisme de certains médias – eh oui, même au Royaume-Uni – ont été l’une des préoccupations majeures des participants, qui lui attribuent le ralentissement du rythme de l’adoption de la vape. “Il n’est pas si simple pour un fumeur de passer à un vapotage exclusif. Il faut qu’il comprenne bien que les efforts en valent la peine et il doit être pleinement rassuré sur le bénéfice pour sa santé. Chaque semaine, de nouvelles histoires viennent entretenir le doute dans la tête des fumeurs”, a noté Peter Hajek (voir encadré) lors de son discours.

Continuer sur la lancée du Stoptober

L’une des recommandations du groupe est justement de poursuivre la communication entreprise avec Stoptober, le Moi(s) sans tabac britannique,qui a inspiré notre Moi(s) sans tabac français. Il reste 7 millions de fumeurs au Royaume-Uni et, selon Mark Pawter, le ministère de la Santé devrait mettre en place un programme pour communiquer clairement sur les aspects positifs de la vape en termes de santé publique. Selon lui, la campagne de l’agence de santé publique anglaise Public Health England a beaucoup apporté pendant la campagne Stoptober, et le message doit être martelé au-delà du mois d’octobre. “Sans ces campagnes de communication, les messages contradictoires qui entourent actuellement le vapotage continueront à entretenir une image confuse”, a-t-il insisté.

Revoir d’urgence l’article 20 de la TPD

Sans surprise, la réglementation des produits du vapotage a animé les discussions du groupe. “Quel dommage que ce groupe de parlementaires n’ait pas écrit la TPD”, regrettait le blogueur anglais James Dunworth, en juillet 2015. C’est aussi l’un des constats du groupe, la réglementation européenne nécessite une révision urgente, en particulier “les éléments disproportionnés de l’article 20” de la directive tabac européenne, qui concerne la cigarette électronique. Au-delà des points qui font à peu près l’unanimité contre eux, comme les limitations de contenance ou de taux de nicotine, des divergences existent néanmoins entre les protagonistes.

Le shake & vape en ligne de mire

L’industrie de la vape a investi “des millions” pour se mettre en conformité avec la directive européenne, explique le représentant de l’UKVIA, une organisation qui défend notamment l’intérêt des cigarettiers dans la vape. Il souhaite une application et des contrôles vigoureux de la réglementation. En ligne de mire, le shake and vape et les e-liquides suraromatisés vendus sans nicotine, que les consommateurs complètent à l’aide de boosters qui échappent au régime d’analyse et de notification. Le porte-parole de l’UKVIA explique avoir analysé quelques-uns de ces produits et trouvé des substances inquiétantes potentiellement dommageables pour les consommateurs, et insiste sur la nécessité d’une “bonne réglementation qui protège le consommateur”. L’IBVTA, l’association des professionnels indépendants, estime de son côté que “tous les liquides destinés à la consommation humaine, qu’ils contiennent ou non de la nicotine, devraient être testés et notifiés”.

Défense de corporations ou protection du consommateur ? Le professeur Hajek a signifié son avis tranché. Dans son allocution, il a exprimé son désaccord avec l’idée d’une application rigoureuse de la réglementation. Selon lui, un autre facteur du ralentissement de la demande, c’est le produit lui-même, il doit encore s’améliorer. “La cigarette électronique existe seulement depuis une dizaine d’années et l’on voit régulièrement de nouveaux produits apparaître. Mais la réglementation ralentit ce processus en mettant de gros obstacles à l’innovation et l’exemple classique, c’est la directive tabac européenne”, a-t-il expliqué. Pointant directement UKVIA, il poursuit : “la partie de l’industrie de la vape présente ici et qui a investi dans la conformité des produits veut maintenant utiliser ce levier (…) pour se débarrasser d’une concurrence qui cherche moins la conformité au profit que l’innovation. [Ces acteurs] demandent une application stricte de la réglementation et personnellement je n’y suis pas très favorable. Si ça dépendait de moi, j’abolirais au plus vite cette réglementation. Plutôt que de la faire appliquer strictement, je tenterais de l’ignorer autant que c’est légalement possible”, a-t-il conclu.

Lobbying intense de l’industrie du tabac

Il ne fait aucun doute, en France, que la crédibilité du secteur de la vape repose, entre autres, sur une indépendance affichée et revendiquée par rapport à l’industrie du tabac. Ce n’est pas le cas au Royaume-Uni, du moins au Parlement. Le secrétariat du groupe avait été pris par l’association professionnelle UKVIA, qui compte parmi ses membres des géants du tabac tels que Philip Morris International, Japan Tobacco International ou British American Tobacco et aussi quelques industriels, a priori encore indépendants. Les discours étaient prononcés devant deux affiches, l’une siglée APPG et l’autre UKVIA. L’un des invités confie, à regret et à voix basse : “ils sont partout”. Le temps passe, Peter Hajek s’en va, la salle se vide, la présence de Big Tobacco devient plus nette. Ils sont bien encore une quinzaine présents à porter des badges estampillés BAT ou PMI quand l’heure du retour sonne. Effectivement, c’était bien l’endroit où il fallait être présent, quand le lobbyisme bat son plein.

Les 5 recommandations du groupe APPG for E-Cigarettes :

  • Lancer une campagne continue de réinformation du public sur les bénéfices de la vape pour les 7 millions de fumeurs restants au Royaume-Uni.
  • Revoir la réglementation, en particulier les aspects disproportionnés de l’article 20 de la directive tabac qui placent effectivement la vape dans la même catégorie que le tabac.
  • Développer une approche collaborative pour élaborer les politiques dans ce domaine, incluant les organismes de réglementation, la communauté scientifique, la santé publique et l’industrie de la vape.
  • Établir des normes commerciales pour que la réglementation des produits issus de la directive européenne soit appliquée uniformément et vigoureusement.
  • Examiner les mesures adoptées par les autorités écossaises et galloises pour développer les pouvoirs de contrôle des régulateurs.

Qui est Peter Hajek ?

Professeur de psychologie clinique et directeur de l’unité de recherche sur la dépendance au tabac à l’uUniversité Queen Mary de Londres, Peter Hajek est connu pour ses recherches sur le sevrage tabagique et la cigarette électronique. Il est coauteur du rapport de Public Health England sur la cigarette électronique qui a permis d’inscrire la vape au cœur de la lutte contre le tabagisme au Royaume-Uni.

Richard Hyslop de l’IBVTA, fédération professionnelle indépendante :

“Le gouvernement discute avec nous mais pas avec l’UKVIA”

“La présence de l’industrie du tabac ? Pour nous, ça ne fait pas une grande différence. Le gouvernement a été clair avec nous. Il ne discutera ni avec l’industrie du tabac, ni avec ses filiales dans le secteur de la vape. On continue d’avancer et, si certaines entreprises veulent se vendre à l’industrie du tabac, ça les regarde, c’est de leur ressort, on n’a aucun problème avec ça. Nous, on représente l’industrie indépendante, et on estime qu’il y a des différences significatives entre les deux. L’industrie indépendante a besoin d’une représentation spécifique. Nous avons des accès que les autres n’ont pas. On continue à avancer, à faire grossir notre organisation et à représenter l’industrie indépendante.”

UKVIA mixe vape et tabac

La UK Vaping Industry Association (UKVIA) compte parmi ses membres quatre géants du tabac (Japan Tobacco International, British American Tobacco, Philip Morris International et Fontem Venture, filiale d’Imperial Brands, anciennement Imperial Tobacco). Elle ambitionne de devenir la première organisation de défense des intérêts de l’industrie de la vape outre-Manche.