Au printemps, la France a subi un troisième confinement. Même s’il est très différent du premier, force est de constater qu’en boutiques, l’impact de l’annonce a été clairement ressenti. Et que les vape shops implantés en centre commercial ont vécu une situation très compliquée.
C’était il y a un an
Le confinement, en France, c’est un peu comme les trilogies Star Wars récentes : on passe du premier au troisième en faisant comme si le second n’avait jamais existé. Pourtant, le troisième confinement a beaucoup plus en commun avec le deuxième qu’avec la première mouture. Le nombre de commerces ouverts y est plus important, et surtout, la pénurie ne guette pas.
Lors du premier confinement, un phénomène avait mis à mal le monde de la vape : la fermeture de la Chine. Les usines chinoises, qui fabriquent la quasi-totalité des consommables et une immense majorité du matériel, avaient fermé à l’occasion des vacances du Nouvel An chinois.
Une période toujours difficile pour les grossistes et importateurs. En effet, il ne suffit pas de commander plus pour obtenir le matériel suffisant. Les usines ne fabriquent pas forcément plus, l’industrie chinoise ayant adopté le principe du flux tendu.
Puis la Covid avait révélé sa réelle gravité, et les autorités chinoises avaient alors pris la décision d’un “confinement externe”. Concrètement, les travailleurs, dont beaucoup sont des ruraux installés en ville par nécessité professionnelle, et qui avaient profité des vacances pour rendre visite à leur famille, avaient été fermement priés de rester sur leurs lieux de vacances jusqu’à nouvel ordre.
Cet arrêt soudain de la production avait fini de mettre à genoux le système, déjà ébranlé par un stock limité et les incertitudes sur le déroulement du confinement.
En effet, si les boutiques de vape avaient été oubliées dans la liste des commerces essentiels, cette omission avait été vite rectifiée grâce à la vigilance des associations de défense de la vape. Mais de nombreuses boutiques avaient maintenu porte close ou un fonctionnement réduit : trop d’incertitudes sur les risques et les protocoles à mettre en place.
Confinement : acte 3
Tout ceci est le souvenir d’une époque révolue. Le confinement est devenu un exercice presque habituel pour les Français autant que pour les Européens, et les usines chinoises restent ouvertes. Hormis quand un bateau se met de travers dans le canal de Suez, il n’y a plus de difficultés d’approvisionnement. Nous avons contacté quelques boutiques au hasard, et les mêmes constats en ressortent.
Le panier moyen a augmenté
“Dès le lendemain de l’annonce par le président Macron du confinement, même si le mot n’a pas été prononcé, la fréquentation de la boutique a augmenté et le panier moyen s’est maintenu à 65 % au-dessus de la moyenne habituelle”, confirme un gérant de boutique, qui s’avère représentatif de la moyenne des déclarations que nous avons recueillies.
Une affluence supérieure après l’annonce du confinement, mais pas la ruée
Une gérante de shop précise : “le vendredi, l’affluence a été nettement supérieure à d’habitude, le samedi, nous étions revenus à une affluence à peine supérieure à la normale, mais sur ces deux jours, notre panier moyen s’est maintenu largement au-dessus de la moyenne”.
Essentiels ? Beaucoup de clients ne le savent pas
Une question récurrente chez les clients : “vous restez ouverts ?” C’est ce qu’ils demandent le plus. “Si bien que les trois vendeurs de ma boutique ont pris le pli, sans concertation, de préciser que nous restions ouverts aux horaires normaux en devançant la demande du client”, s’amuse un gérant de magasin.
Des habitudes ont durablement changé
Certains constatent des changements d’habitudes durables, surtout ceux qui vendent des résistances à l’unité : depuis le confinement, les clients qui fonctionnaient en flux tendu achètent plus facilement de l’avance, comme par exemple des résistances par boîtes entières plutôt que par une ou deux.
Pas de risque de pénurie
Mais la situation ne risque pas de créer de pénurie : globalement, on assiste à un déplacement des achats plutôt qu’à une explosion, et si la clientèle des boutiques de vape est plus précautionneuse, elle ne sombre pas dans la psychose.
Organisé et bien rodé, le confinement à la française a trouvé sa vitesse de croisière en matière de vapotage. Ce n’est pas une raison pour que cela devienne une habitude.
La faille des centres commerciaux
Tout irait donc quasiment pour le mieux dans le meilleur des mondes, s’il n’y avait pas la problématique des boutiques spécialisées implantées dans les centres commerciaux.
Alors que lors des deux premiers confinements, la totalité des boutiques spécialisées qui pouvaient ouvrir le faisaient, il n’en a pas été de même lors du dernier. La raison ? Entre-temps, le gouvernement a publié deux décrets qui ont détérioré la situation des vape shops en centre commerciaux. Le 30 janvier dernier, le gouvernement a publié un décret qui interdit l’ouverture des centres commerciaux dont la superficie est supérieure à 20 000 m². Puis, cette mesure a été renforcée en touchant les centres dont la surface non alimentaire est inférieure à 10 000 m².
Problème, de nombreux vape shops sont implantés dans ces centres commerciaux. Ont-ils le droit d’ouvrir ou non ? La réponse est plus compliquée qu’elle n’y paraît. D’autant que les boutiques qui n’ont pu ouvrir ne pouvaient pas demander d’aides financières, puisqu’elles sont considérées comme commerces essentiels. La double peine en somme.
Chaque préfecture agit selon son bon vouloir
Pour en savoir plus, nous avons contacté Hervé Delille, président de Cigusto, dont 71 des 73 boutiques sont implantées dans des centres commerciaux. Le 8 avril, le constat était sans appel : seules 23 des 71 boutiques étaient ouvertes. Pourquoi 48 de ses boutiques avaient l’obligation de fermer alors que 23 pouvaient ouvrir ? La raison est à chercher du côté des préfectures et de leur façon d’appliquer la loi. “Certains préfets estiment que 100 % des magasins essentiels doivent ouvrir leurs portes. En revanche, je dois me battre avec les autres préfectures. Les deux décrets ont été passés alors que certains départements étaient en vigilance renforcée. Aujourd’hui (le 8 avril, ndlr), alors que la totalité du pays est confinée, ces décrets n’ont plus lieu d’être appliqués”, estime Hervé Delille. On ne parle pas de rouvrir les centres commerciaux, mais seulement quelques magasins essentiels, qui vont faire 50 à 60 clients par jour. Certains préfets le comprennent, d’autres non. Donc, je contacte un par un les préfets réfractaires pour obtenir gain de cause. Et nous y arriverons progressivement.”
Le jeu en vaut la chandelle, selon Hervé Delille, car lorsque ces boutiques parviennent à ouvrir leur rideau, le chiffre d’affaires n’est pas en baisse, même si le passage est moins important qu’à l’accoutumée. “Même si le flux de l’hypermarché baisse de 20 %, ça n’impacte pas tellement notre clientèle. Une fois que les gens savent que l’on est ouvert, on maintient, voire on développe notre chiffre d’affaires, nous disposons d’un super outil de gestion de relation client qui nous permet de communiquer fortement avec eux par e-mail, par SMS, etc. Du coup, ils reviennent rapidement. C’est aussi dû à notre croissance, qui est forte habituellement et qui continue de l’être. En comparable, nous avons une croissance annuelle à deux chiffres.” Pour preuve, Cigusto s’est fixé pour objectif d’atteindre les 104 boutiques à la fin de l’année.
Ce troisième confinement aura donc vu une situation plutôt satisfaisante pour les vape shops. Un état des lieux plutôt positif mais terni par la situation des boutiques implantées en centre commercial, qui ont lutté pied à pied pour ouvrir leurs rideaux.